CROSS OU TRAIL ?

Dans le règlement du canicross notre chien doit être attaché par une laisse extensible elle même reliée à nous par un baudrier ou une ceinture. Le règlement stipule que le chien doit toujours être placé devant nous. Pas forcément en traction mais devant nous. Est-ce le souhait de tous les chiens ? Bien sûr que non. Un Chihuahua ne va pas avoir la force de tracter un humain aussi léger soit-il. Certains chiens ont peur de vos chaussures et préfèrent toujours que vous passiez devant dans les monotraces (c’est le cas du mien). D’autres chiens ont des prédispositions à rester en marche au pied donc sur les côtés. Ces quelques exemples restreignent la propension de certains chien à pouvoir pratiquer le canicross tel qu’il est défini dans son règlement. Non, le canicross n’est pas adapté à tous les chiens.

Au contraire, la canitrail selon moi l’est. Certes les distances sont plus longues, votre chien doit être mieux préparé et entraîné pour l’endurance mais vous êtes libre de le laisser courir selon ses préférences et sans contraintes. Il ne s’agit pas de le laisser détaché en permanence car cela est interdit en agglomération et poserait des problèmes pour sa sécurité et celle des autres dans certaines zones, mais il s’agit de lui laisser le choix d’aller à son rythme. C’est très important à saisir car comme nous nos chiens ont des moments de creux et de mieux lors des longues distances et il faut toujours être attentif à ce qu’ils ne montrent pas des signes de faiblesse. N’oublions pas que certains nous suivraient jusqu’au bout du monde au risque de mourir de fatigue.

Je donne ici ma vision du canitrail mais du côté des organisateurs rien de précis ne le défini clairement si ce n’est une distance plus élevée à parcourir. Parfois c’est 15km, cela va jusqu’à 20km mais en tout cas pas plus à ma connaissance en France. Pour les courses sans chiens la définition de trail reste assez floue même encore maintenant, c’est pour dire. Pour certains c’est quand on parcourt plus de 60km et pour d’autres cela commence uniquement à partir du moment où l’on devient cent bornard. Les petites courses de villages proposent des distances très courtes des fois moins de dix kilomètres et elles sont souvent estampillées « trail ».

Le canicross s’apparente plus à une épreuve de vitesse. Les distances sont parfois très courtes avec parfois seulement quatre pauvre petits kilomètres à parcourir. Sur de telles distances autant dire qu’il faut « envoyer du bois ». Il n’y est alors plus question d’endurance mais de vitesse pure d’où l’intérêt de posséder un chien rapide et fort en traction. Le règlement établi du canicross prend alors ici tout son sens car il favorise un type particulier de tandems. Ceux qui veulent courir vite et fort sur de courtes distances avec leur chien. Autant dire que vous avez intérêt à bien échauffer votre chien ainsi que vous même avant de prendre le départ pour ne pas vous blesser. De mon expérience personnelle, mon corps vous dira qu’il préfère largement courir un trente kilomètres à allure modérée plutôt qu’un quatre kilomètres à fond, mais nous sommes tous physiologiquement différents et avons tous nos préférences.
Les sensations de vitesse peuvent être grisantes quand on court à de telles vitesses avec nos chiens. C’est un jeu à deux qui peut parfois nous donner l’impression de voler un peu comme un run en Agility mais cela n’engage que moi.

Mais je trouve ces expériences de trop courte durée et surtout j’ai l’impression d’utiliser mon chien au lieu de partager quelque chose avec lui. Le canitrail nous emmène plus loin dans le processus de compréhension du monde canin. Quand nous arrivons sur notre lieu de départ pour une longue distance on sait que l’on va vivre une aventure, que l’on part pour la journée, que l’on va rencontrer des situations inédites, que l’on va traverser des moments parfois difficiles ensemble, que nous seront contraints par la météo et que la balade n’est pas sans risques et loin parfois de la « civilisation ». Ils savent tout cela avant de partir. Comment puis-je me permettre une telle affirmation ? Tout simplement parce qu’ils vivent chaque week-end le même rituel et que nos distances parcourues sont toujours supérieures à 25km. Emmenez le chez le vétérinaire et vous verrez que son enthousiasme ne sera pas tout à fait le même (Sauf pour les chiens masos’ qui aiment y retourner).

Alors c’est parti pour cette grande promenade à travers monts, forêts, pâtures, et sentiers. Sautons par dessus les gués, ne ratons pas le prochain cairn ou balisage au risque de nous égarer et posons nous un instant pour nous émerveiller de la nature environnante. Après quelques kilomètres nous voilà isolés tous les deux, personne pour nous juger. Alors la langue se délie et je lui parle presque comme si je le faisais avec un humain. Mes phrases sont courtes, les mots percutants, il les connaît car j’utilise ceux que je lui ai appris pour ses tricks et ceux que j’utilise au quotidien pour ses ordres et dans la vie de tous les jours. En retour il m’adresse des regards, remet une accélération, se stoppe, manifeste un signal d’apaisement et surtout il aboie pour manifester une émotion. À moi de savoir laquelle en fonction de la situation et à moi de savoir décrypter ses signaux et c’est bien là la moindre des choses après tous les efforts qu’il fourni pour tenter de comprendre mes palabres. Les kilomètres défilent, la fatigue arrive et les situations différentes s’enchaînent…

Une fois dépassée la distance classique d’un canicross à savoir 6 ou 8 kilomètres il est temps de faire une pause boisson et croquettes. Même quand il fait chaud mon chien n’est pas un grand soiffard, à vous de surveiller quand sa langue pend de trop pour l’hydrater, c’est vous qui le connaissez le mieux mais attention que ce soit pour l’eau ou les croquettes donnez lui de petites quantités à chaque fois. La présence de votre chien vous oblige à faire des pauses et à être raisonnable et c’est une très bonne chose. Une pause permet de faire le point, de prendre le temps de caresser votre chien, de lui enlever un peu de boue et la feuille restée collée à son pelage depuis 5 bornes, c’est un moment où vous vous reposez un peu, où vous le remerciez de vous suivre aussi bien depuis que vous êtes parti. Vous le félicitez, vous le récompensez et il prend d’autant plus de plaisir à partager cette aventure avec vous.

Vous êtes désormais seuls, il n’y a plus aucune habitation ni ferme à l’horizon, le chemin est dégagé et à priori aucun troupeau en vue. Allez, il est temps de libérer votre pote de sa laisse extensible et de le laisser aller selon ses envies et à son rythme. La liberté ? Pas tout à fait car je garde toujours un œil sur lui, je ne reste jamais plus de 20 secondes sans jeter un regard dans mon dos s’il est en arrière ce qui me vaut parfois quelques gamelles mais quand on a failli perdre son chien une fois, on prend conscience que c’est une petite prise de risque essentielle.
Vous continuez à communiquer vos directions. Vous repartez en arrière car votre chien est resté collé à une odeur. En canitrail je ne force JAMAIS mon chien à courir. S’il a envie de renifler, je lui laisse le temps de le faire, nous ne sommes pas pressés contrairement au canicross, nous sommes bien dans la nature et la journée ou demi-journée doit durer le plus longtemps possible. Attention tout de même à ce qu’il fait, il ne faudrait pas qu’il mange quelque chose au bord du chemin. Alors vous continuez votre exercice de communication humain/chien. Avec la fatigue naissante vous ne lui parlez plus que de l’essentiel et c’est là le secret pour que la magie opère, car vous n’employez plus que ce que vous savez qu’il comprend et à quoi il est sensible. Besoin d’eau ? Regarde comme c’est beau ! Une croquette ? Attention la branche ! Tourne à gauche. Et puis il y a le fameux ça va ? Bien sûr qu’il ne va pas vous répondre mais quand vous le connaissez bien, il suffit de regarder son attitude pour entendre son “Oui tout roule patron !”.

Il faut être honnête et parfois cette communication sert vos intérêts. Vous parlez à votre chien alors qu’en fait vous vous parlez à vous même. Quand on est perdu cela a tendance à nous rassurer ou bien quand on a un coup de mou cela nous remotive. Mais votre chien fera très bien la différence si vous vous adressez à vous même, à un autre coureur ou à lui. D’ailleurs n’hésitez pas à rajouter son nom en préfixe quand vous vous adressez à lui.

Courir avec son chien c’est à coup sûr enrichir sa sortie, la rendre plus intéressante. Quand vous avez appris à bien l’observer il va vous indiquer où se trouvent les animaux. Souvent il suivra la piste d’un animal et parfois il n’est pas loin et grâce à lui vous aurez la chance de l’apercevoir. Puis soudain il lève la tête et regarde en l’air ! Vous le voyez maintenant l’écureuil ? Et puis des situations cocasses viendront pimenter votre trail car il ne manquera pas une occasion de s’énerver après un animal moqueur. Le mien part en furie à chaque alerte de Geai Des Chênes.

Souvent la mi-course est synonyme d’arrivée au sommet le plus haut de la balade. C’est là que nous partageons la joie d’avoir accompli le plus dur de la boucle et surtout c’est là que je le vois comme moi profiter de la vue sur la vallée. Nous éprouvons le même plaisir à avoir pris de la hauteur. Peut-être comme le Loup qui traquait sa proie et gagnait en altitude pour mieux repérer les casse croûte potentiels. Ce n’est peut-être pas pour les mêmes raisons que nous sommes heureux là haut mais nous éprouvons de la joie tout les deux et cela renforce notre connection. Alors on se lâche, on saute, on crie, on aboie. C’est le moment de faire une pause croquette, de réviser quelques tricks, de prendre notre temps et quelques photos. Au bout de 15 ou 20 km notre osmose est totale et plus rien d’autre ne compte plus que notre duo humain/chien.

Le final c’est le meilleur car il n’y a plus d’ambiguïté quant à notre communication, on est fatigué, on a faim, on a des petites douleurs, on sait clairement tous les deux que l’on cherche à rejoindre notre point de départ. Alors c’est un moment que je souhaiterais sans fin car sur ces dix derniers kilomètres nous ne formons plus qu’un.

C’est ce sentiment que je souhaitais partager avec vous.